Présentation de l'éditeurLa Suisse ? Le pays des coucous, du chocolat et des banques, avec pour horizon des montagnes et des vaches. Seulement 7,7 millions d’habitants repliés frileusement dans leurs 23 cantons, bien à l’abri des grèves et des conflits sociaux… Il serait facile de continuer à égrener les clichés, car la Suisse est comme prisonnière des images qu’elle a elle-même contribué à projeter. Pour se situer une origine, la Suisse s’invente une légende: celle de Guillaume Tell résistant à la fin du XIIIe siècle à la tyrannie des seigneurs, son exploit associé au serment d’une alliance sur la praire du Grütli créant, du moins l’a-t-on trop longtemps imaginé et ressassé, les fondements d’une Confédération. La réalité est plus prosaïque. Une victoire sur les Habsbourg à Sempach en 1386 donne un embryon de cohésion à des villes et des vallées qui ne songeaient pas encore à former un Etat. S’y agrègent par alliances successives d’autres villes, jusqu’à 13 cantons au XVIe, sans compter les régions alliées dont la plupart deviendront aussi des cantons au début du XIXe siècle.
Même si elle fournit des mercenaires à tous les puissants d’Europe, la Suisse a besoin de protecteurs. Pendant un peu plus de trois siècles, ce sera le royaume de France. Après avoir surmonté les secousses de la Révolution et l’aventure napoléonienne, les cantons réussiront leur transformation en une république fédérale en 1848, fondée sur un système original de « démocratie directe ». Un siècle et demi plus tard, ce pays sans ressources naturelles notables est devenu une place financière internationale, une importante puissance industrialisée et le siège de grandes institutions internationales tout en conservant sa nature et ses paysages. Suite logique d’une mondialisation économique précoce, les artisans parcouraient l’Europe et les capitaux suisses finançaient les premières activités commerciales et industrielles, et d’une préoccupation tôt venue pour l’environnement. Aujourd’hui, le sentiment d’être suisse s’ancre toujours dans l’amour d’un pays-paysage, essentiel au folklore suisse. L’amour viscéral des Suisses pour leur terre, leur croyance en un destin spécifique participent sans doute de leur réticence à entrer institutionnellement dans l’Union Européenne. Une approche critique de son histoire, par-delà les mythes et les clichés, met en relief l’importance de ce pays dans l’histoire de l’Europe, et permet de mesurer en quoi elle demeure une référence, voire un modèle.
Mon avisL'auteur, François Walter, a récemment écrit une histoire de la Suisse en cinq (petits) tomes. A la demande de Gallimard, il en a fait une synthèse encore plus petite pour cette collection. J'aime beaucoup ces livres richement illustrés, agréables à lire, bien qu'ils soient un peu chers.
Dans le cas présent, l'ouvrage débute par une brève histoire de la Suisse depuis sa fondation supposée (mythique) jusqu'à nos jours. Elle déconstruit certains mythes de l'histoire du pays et offre une vision plus critiques que l'historiographie qui glorifie la nation.
Dans la deuxième partie, l'auteur se penche sur certains paradoxes de ce pays. D'un côté, il y a ce réflexe de repliement et d'isolement politique souvent exprimée par le peuple. Il y a la xénophobie latente qui a souvent assombri l'histoire de la Suisse. D'un autre côté, alors qu'un parti joue sur cette peur des étrangers, l'auteur souligne que le pays a été une terre d'immigration depuis longtemps avec un très haut taux de population étrangère. Économiquement, la Suisse est un poids lourd et ce grâce à sa grande ouverture sur le monde. Difficile d'expliquer un tel paradoxe. Au cœur de l'Europe, ce pays a pourtant été très impliqué dans l'histoire du continent des derniers siècles. Enfin, je mentionne également le fonctionnement du système politique, très différent des pays voisins, mais intéressant à plus d'un titre.
Il s'agit vraiment d'un ouvrage d'introduction sur le pays. Pour le Suisse, il donne l'occasion de se pencher à nouveau sur son passé en essayant d'oublier la version mythique et idéalisée puis de réfléchir sur le pays actuel, paradoxal. Pour le lecteur "non-Suisse", cette petite œuvre propose de découvrir ce pays relativement mal connu et de mieux comprendre pourquoi il fait parfois l'actualité sur des sujets qui sont souvent jugés sévèrement depuis l'extérieur.
Enfin, le choix des illustrations est pour le moins intéressant, avec une iconographie qui oscille entre représentations idéalisées et documents historiques dignes d'intérêt.
En bonus, une petite interview intéressante de l'auteur:
http://www.swissinfo.ch/fre/culture/Derriere_les_paysages,_une_Suisse_au-dela_des_mythes.html?cid=30325860