Crimes - Ferdinand von Schirach

4e de couverture :

Crimes est un recueil de nouvelles relatant onze affaires criminelles stupéfiantes. Pour son auteur, Ferdinand von Schirach, avocat de la défense à Berlin depuis une quinzaine d’années, le monstrueux fait partie du quotidien. Mais si les faits rapportés sont bien réels, l’écrivain brouille les pistes et nous introduit dans un monde fictionnel aussi fascinant qu’inquiétant. La violence des crimes est sublimée par le laconisme d’un style presque chirurgical dont le mystérieux pouvoir d’attraction hypnotise le lecteur.
Mais au-delà de la force spectaculaire d’une prose glaçante, ces récits criminels témoignent d’une compréhension aiguë des motifs psychologiques des criminels. Tel ce mari qui assassine sa femme de manière effroyable, mais dont on découvre l’intolérable torture morale qu’elle lui avait infligée durant d’interminables années. Ou le meurtre de ce frère par sa propre sœur, qui se révèle un étonnant acte d’amour. Von Schirach, pour un coup d’essai, livre un coup de maître : subitement entré en littérature avec ce premier recueil de nouvelles, il transcende le témoignage de sa fonction par la maîtrise souveraine du récit et une réflexion sur la valeur du fait vrai : certains, même après qu’on les a prouvés, restent à peine croyables.

Courte biographie de l'auteur : (page Wikipédia française encore inexistante, du coup elle est traduite par mes soins ^^)

Avocat et écrivain allemand né à Munich en 1964.
Petit-fils du chef des jeunesses hitlériennes Baldur von Schirach, il grandit à Munich et dans les environs de Stuttgart. Il fréquenta le collège jésuite St Blasien, dans lequel eurent lieu des abus sexuels, à propos desquels il écrira un article dans le "Spiegel".
Il devient avocat spécialiste en droit pénal à Berlin. Il passe pour être l'avocat des célébrités et assura par exemple la défense de l'espion du BND (service fédéral de renseignement allemand) Norbert Juretzko, ainsi que Günther Schabowski dans l'affaire du Politbüro.

En août 2009 il publie son premier recueil de nouvelles Verbrechen (crime) chez Piper, et reste 45 semaines d'affilées sur la liste des best-sellers du magazine Spiegel. Les nouvelles sont inspirées d'affaires traitées par son cabinet, mais il a dû cependant en modifier certains détails pour ne pas trahir le secret professionnel.

En 2010 il reçoit le prix Kleist pour son recueil.
En août 2010 paru son 2e recueil de nouvelles Schuld (faute), toujours chez Piper.

Mon avis :

Tout d'abord je voulais dire que n'étant pas encore sorti en France, tous les renseignements concernant l'auteur/le livre ne sont disponibles qu'en allemand. Cependant, j'ai appris que les Éditions Gallimard avaient acheté les droits du livre et qu'il sortira le 24 février sous le titre "Crimes".

Pour ce qui est de ma critique du livre : j'ai dû lire 2 de ses nouvelles pour un séminaire, et elles m'avaient beaucoup plu. J'ai aimé la démarche originale, qui consiste à raconter un crime d'un angle de vue nouveau. Ce qui est important, ce n'est plus de savoir QUI a fait QUOI, ni comme dans Columbo COMMENT le commissaire va démasquer le coupable déjà connu du lecteur, mais POURQUOI. En effet, les nouvelles sont écrites de telle manière qu'à la fin de l'histoire non seulement on a compris le pourquoi du geste, mais plus encore : on l'excuse. Von Schirach rend chaque crime humain et pose la question : pourquoi et comment punir ? A partir de quand un homme est-il coupable ?

Suite à ces très bonnes impressions je suis allée m'acheter le recueil, et même si globalement j'en ai apprécié la lecture je suis un peu mitigée. Il a beau avoir reçu le prix Kleist (qui est un prix littéraire prestigieux en Allemagne), beaucoup de ses nouvelles accumulent les clichés (sur les criminels, les prostituées, les policiers, etc.). Le style n'est pas son fort non plus, semant des "phrases à suspens" dignes de mauvais polars en allant à la ligne à la fin des paragraphes (oserais-je dire : presque à la manière d'un Dan Brown ?).
Néanmoins, j'ai pu passer dessus en me disant qu'après tout son but n'était pas de faire de la grande littérature, mais de propager une réflexion personnelle sur la justice à un public (souvent adepte de condamnations lourdes) aussi large que possible. Si je fais le bilan, je dirais que son recueil est plutôt en dent de scie : certaines nouvelles sont excellentes, d'autres ridicules de clichés. Mais globalement on passe un bon moment (d'autant plus qu'il y a un peu de suspens quand même sisi).

Je dirais pour finir que le format de la nouvelle a un côté très pratique si vous n'avez que rarement de grandes plages horaire pour lire. Quelques pages par-ci par-là dans le métro, dans une salle d'attente ou je ne sais où, sans pour autant craindre de ne pas suivre l'histoire ou d'oublier la moitié des personnages ou de l'intrigue.

EDIT: 5 AVRIL 2011 : Rubrique "4e de couverture" complétée.

Edit du 19.02.2011 : j'ai complété le post avec la date de sortie du livre (voir note en vert) et la couverture française du livre qui a depuis été rendue publique.

Voici également une critique (encourageante) de Nathalie Crom sur le site de Télérama, article qui date d'aujourd'hui : http://www.telerama.fr/livres/crimes,65645.php

« J'ai aimé ma femme puis, pour finir, je l'ai tuée. Je l'aime encore, je le lui avais promis, elle reste encore ma femme. Ça ne changera pas jusqu'à ma propre mort. » Ainsi parle le calme Dr Friedhelm Fähner, prenant la parole devant la cour d'assises. Il y comparaît, on l'aura compris, pour le meurtre de son épouse. Perpétré après un demi-siècle de vie commune - une vie conjugale exténuante à force de reproches, d'hostilité. Quelques pages plus loin viennent Samir et Oczan, petits malfrats sans grande envergure, aux prises avec des criminels armés de bien plus d'ambition, bien plus de sang-froid, plus de cruauté qu'eux. Plus tard voici Theresa, qui assassina son frère par compassion, avant de se donner la mort. Plus tard encore, Irina et Kalle, non pas amants maudits mais couple désarmant de vulnérabilité inquiète. Et encore Philipp, Olivier, jeunes hommes aux pulsions inquiétantes... Au total, onze crimes, pour onze étranges, entêtantes, inconfortables nouvelles, écrites et rassemblées par l'écrivain allemand Ferdinand von Schirach, avocat pénaliste de son état, qui signa, il y a deux ans, avec ce Crimes son premier livre - lequel s'est maintenu des semaines durant dans les listes des best-sellers en Allemagne et a valu à son auteur de recevoir le prestigieux prix Kleist.

Sont-ils réels ou tout ou partie fictifs, ces faits divers dans les récits desquels intervient régulièrement un narrateur sans affects qu'on ne peut éviter d'identifier avec l'auteur ? On ne sait, et peu importe au fond. Qui peut prétendre attraper et dire au plus juste, au plus proche, au plus pertinent le réel, dès lors qu'il est question de l'humain - d'instinct, de désir, de jalousie, de rancune, de souffrance, de culpabilité, d'innocence ? Chacune de ces histoires pourrait nourrir un ample et troublant roman, avec minutieux déroulé des faits, exposé de divers points de vue - criminel, victime, témoins -, développements introspectifs des divers protagonistes... Le parti pris de Ferdinand von Schirach est radicalement autre : chacun des onze crimes tient en quelques pages rapides, factuelles, elliptiques. Le narrateur se tient au côté du criminel - normal, il est son avocat -, et sa voix, froide mais subjective et omnisciente, qui prend en charge seule le récit, se garde d'y laisser infuser quelque germe de pathos que ce soit. Ce qui n'exclut pas la compassion - mais il s'agit là d'une empathie sous contrôle, qui tend vers la compréhension, au sens littéral du terme, du geste criminel et de son moteur.

Ainsi se retrouve-t-on ici plongé, sans échappatoire possible, au cœur de l'opacité sans fond des motivations humaines. Ainsi se sent-on désemparé, souvent, face à la violence du crime - quoique tous n'atteignent pas le même niveau d'intensité, de gravité -, autant que décontenancé par le caractère irrésistible du mécanisme qui l'a engendré. Troublé toujours, et profondément, jusqu'au malaise par instants, par l'ambiguïté des sentiments que suscitent en nous ces criminels tantôt repoussants, tantôt pitoyables ou attachants - quoi qu'il en soit humains, toujours et en tout, et en cela nos frères.
Nathalie Crom

Telerama n° 3188 - 19 février 2011

Est-ce que tu l'as lu aussi en Français? Est-ce que la traduction est bonne?


EDIT: oui pour la traduction il faut attendre la parution... l'article m'a induit en erreur.

Non je n'ai pas pu le lire en français puisqu'il ne sort que le 24 février