Je viens de finir le tome II de ses oeuvres complètes consacré au cinéma.
Avant de parler de chaque scénario, je me suis régalée. Même si parfois, les histoires ont pas mal vieillies ou la culture française a changé et en deviennent assez choquantes. Pour exemple, la pauvre fille de Regain qui se fait violer par toute une équipe de charbonniers sans que le garde champêtre y trouve quelque chose de répréhensible. Les hommes qui battent leurs femmes...
Autre chose, à chaque fois qu'il y a eu préface, je me suis régalée à sa lecture. MArcel PAgnol en profite pour raconter des anecdotes de tournage ou pour expliquer le contexte. C'est toujours un bonheur de le lire et l'homme qui transparaît alors semble être un humaniste, un bon vivant, un franc camarade doté d'un humour débordant.
Allez, je commence :
Cinématurgie de Paris :
Ceci n'est pas un film bien sûr mais une thèse sur le cinéma. Marcel Pagnol a été l'un des premiers réalisateurs de cinéma parlant et à l'époque le fait qu'il abandonne le théâtre pour le cinéma et qu'il utilise des acteurs de théâtre dans ses films a fait scandale. Dans cet écrit, Marcel Pagnol se défend un peu en expliquant les avantages et inconvénients des deux arts et c'est très intéressant. Dans la préface où il raconte ses débuts et l'effervescence autour des studios américains, on ressent la spécificité de la production cinématographique française et la déjà grande machine hoolywoodienne. Il y a comme une effervescence et c'est vraiment très intéressant à lire.
Jofroi :
J'ai dû replonger dans le livre pour me souvenir de l'histoire mais la voici : Jofroi est un vieux paysan qui vend son verger qui ne produit plus à un voisin. Le lendemain de la vente, l'acquéreur vient pour arracher les arbres. Pour Jofroi, ceci est impensable et il va faire un chantage au suicide pour que ses arbres restent en place.
J'ai bien aimé l'histoire et ce vieux papet est touchant au début. Mais après, les ficelles sont un peu grosses et il devient un peu pénible. J'imagine que de le voir plutôt que de le lire est plus intéressant.
Angèle :
Angèle est fille unique d'un fermier de provence. Un jour, elle rencontre sur la place du village, Louis, un mauvais garçon, avec qui elle s'enfuit dès le jour même. Alors qu'un jeune gars de la montagne soupire d'amour pour elle. Et elle va se retrouver à faire le trottoir à Marseille jusqu'à ce que le garçon de ferme de son père vienne la chercher...
Cette histoire a vieilli de par même la condition de la jeune fermière et de la réaction de son père. Mais si on passe outre, c'est une histoire d'honneur perdu et d'amour, toujours avec l'accent et les remarques truculentes.
Merlusse :
Merlusse est un répétiteur dans un internat, sévère et austère. Quand il doit remplacer le surveillant de la nuit de Noël, les enfants font grise mine mais les plus méchants ne sont pas toujours ceux qu'on croit...
Ce film-là, c'est un peu un conte de Noël. En lisant, j'imaginais les garçons à leur pupitre dans la salle d'études. Les différents personnages sont bien plantés et certains enfants sont terriblement émouvants. J'ai beaucoup aimé cette histoire.
Cigalon :
Cigalon est un restaurateur qui a un restaurant bénéficiant d'une vue superbe mais où il ne sert pas à manger. Fin gourmet, il ne prépare à manger que pour lui et sa soeur. Jusqu'au jour où la blanchisseuse vient ouvrir une auberge à côté de chez lui. S'ouvre alors une dispute...
Marcel Pagnol et son équipe lorsqu'ils l'ont vu après le montage, se sont bidonnés tout le long. Mais au cinéma, ce film a fait un immense flop. A vrai dire, je comprends mieux les spectateurs qui l'ont boudé que Marcel Pagnol et son équipe. Son personnage principal est désagréable au possible et je crois qu'on rit mal de la mesquinerie qui est son principal défaut. Enfin, l'intérêt de ce film c'est de s'interroger sur les ressorts de rire et pourquoi un film qui a fait pleurer de rire ceux qui y ont travaillé dessus laisse de marbre le public.
César :
Alors que Marius et Fanny étaient des pièces de théâtre, César est un film. Ceci est dû au fait que les acteurs, devenus des vedettes de cinéma n'avaient plus le temps de passer au moins 300 représentations sur des planches et que le monter au théatre aurait nécessité de changer de comédiens, ce qui était inenvisageable du point de vue de Marcel Pagnol. Là, tous ont été mobilisés 3 mois et le film a pu avoir sa belle carrière. Dans sa préface, Marcel Pagnol raconte qu'il n'arrivait pas à écrire l'intrigue de César jusqu'au jour où la soeur (94 ans) de la vieille dame qui leur prétait les meubles pour les décors voulut qu'il lui raconte l'histoire en avant-première car elle voulait savoir si Fanny retrouvait Marius et qu'elle avait peur de ne jamais pouvoir voir le film. Effectivement elle est morte une semaine après leur rencontre. Et elle a permis à Marcel Pagnol de sortir de l'impasse car il a pu inventer l'histoire au fur et à mesure qu'il la lui racontait et en évoluant en fonction de ses grimaces. J'ai trouvé cette histoire très touchante. Quand au film lui même, il suffit d'entendre le mot "César" pour voir Raimu. C'est toujours un enchantement. A la lecture, j'ai redécouvert le plaidoyer final de Marius et j'en avais oublié une grande partie. Bref, la trilogie marseillaise restera toujours dans mon coeur.
Regain :
Gédémus, remouleur itinérant, prend sous son aile (mais surtout pour remplacer son chien qui lui tirait la cariole) Irène qu'il appelle Arsule après l'avoir sauvé d'une tournante (sic). Alors qu'ils sont sur les hauteurs du Lubéron, ils semblent poursuivi par un fantôme noir. En fait, c'est une vieille piémontaise, avant-dernière habitante d'un village qui se meurt qui a décidé de trouver une petite femme pour son unique voisin ...
Je me souviens de l'atmosphère du film que du haut de mes 10 ans (ou à peu-près) m'avait paru très inquiétante. Je m'étais alors focalisée sur le sort de Gédémus (et je ne peux pas m'empêcher de songer à mon grand-père qui refaisait très bien Fernandel). Alors qu'en fait, le véritable intérêt de l'histoire c'est la mort et la renaissance du village, tragique et belle à la fois.
Le schpountz :
Là aussi, c'est Fernandel qui hante mes esprits.
L'histoire : une équipe de tournage vient en provence et rencontre un neveu d'épicier certain d'avoir le talent du cinéma. Elle se livre avec lui à son entourloupe favorite en lui faisant signer un contrat mirifique. Mais les schpountz de Marseille sont plus coriaces que les autres et celui-ci monte à Paris...
L'histoire de ce schpountz aurait pu être tragique si elle avait été jouée par quelqu'un d'autre que Fernandel. J'ai trouvé intéressant la critique qu'il fait du monde du cinéma et de ses rouages.
La femme du boulanger :
Marcel Pagnol adapte ici une nouvelle de Jean Gionot. Il travaillait à l'histoire d'un boulanger qui ne veut plus faire de pain et qui est transformé par l'amour lorsqu'il lut la nouvelle de Jean Gionot et qu'il la trouvât bien meilleure que la sienne.
Un village accueille un nouveau boulanger qui leur fait du pain à tomber par terre. Le boulanger met du coeur à l'ouvrage car il est fou amoureux de sa femme et qu'il fait avant tout ses fournées pour elle. Mais quand dès le premier soir, elle part avec un berger de ses clients, il s'enferme et ne veut plus faire de pain. Le village alors s'applique à retrouver l'épouse infidèle pour retrouver son pain quotidien.
Ce film là est symptomatique d'une certaine époque où l'instituteur et le curé représentaient deux pouvoirs concurrents et par ce fait, étaient des notabilités. Là encore, j'imagine Raimu et la lecture du film m'a donné envie de le revoir.
La fille du puisatier :
La fille du puisatier est très belle. En portant le repas de son père, elle rencontre Jacques, fils du propriétaire du bazar de la ville, aviateur. Celui-ci la courtise et la fille du puisatier devient fille mère. Jacques étant parti à la guerre avant d'apprendre sa paternité, le puisatier renie sa fille et l'envoie chez sa soeur pour éviter la honte d'avoir un bâtard dans la famille...
Là encore, le ressort même de l'histoire est lié à une époque révolue. Mais le puisatier (Raimu encore à l'écran) est un gros ours tendre, très émouvant... Et la verve méridionale met toujours beaucoup de sel dans les films de Pagnol.
Naïs :
Naïs est la fille du fermier d'une famille aisée. Belle comme le jour, elle est aussi pure comme un ange et profondément amoureuse de Frédéric le fils des patrons. Mais son père a décidé que Naïs devait rester vieille fille et le servir toujours...
Le gars Frédéric est puant. Toine, le bossu ami de Naïs est touchant et beau. C'est une belle histoire provençale même si le personnage du père est un peu tiré par les cheveux.
La belle meunière :
Ce film là est étonnant. Marcel Pagnol adore écouter Franz Schubert et c'est pour lui rendre hommage en somme qu'il écrit cette histoire qui met en scène le compositeur. La préface là encore est très intéressante notamment lorsqu'il explique sa composition des parties chantées et qu'il en découvre alors toutes les difficultés et les différences entre poésie et chanson. Après l'histoire est sympa. Sauf que comme pour la pièce de théatre Judas, je trouve que Pagnol se marie mal avec des intrigues étrangères tant il est pétri de la culture provençale.
Quatre lettres de mon moulin :
Là encore, il met en scène Alphonse Daudet, comme si Pagnol nous dévoilait les sources d'inspiration de l'auteur nîmois. L'histoire du curé de Cucugnan ne m'a pas trop intéressée mais les autres sont jolies et fleurent bon le pays provençal.
Bref, lire une oeuvre cinématographique n'est sans doute pas la meilleure manière de l'approcher. Mais malgré les critiques que je trouve à faire, j'ai toujours beaucoup d'admiration pour Marcel Pagnol même si pour moi son premier attrait est de si bien décrire et retranscrire la verve provençale. Je vais lire d'autres auteurs puis je lirai le tome 3 consacré à son oeuvre romanesque et enfin, j'aurais une vision globale de cet artiste brillant et complet.