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 Victor Hugo / Perec

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Alinoé
Kukul L'Orangine des îles farouches
Kukul L'Orangine des îles farouches
Alinoé


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Localisation : planète livre
Date d'inscription : 08/11/2004

Victor Hugo / Perec Empty
MessageSujet: Victor Hugo / Perec   Victor Hugo / Perec EmptySam 14 Mai 2005 - 0:45

Dans La disparition de Georges Perec, l’auteur reprend le poème Booz endormi de Victor Hugo, et avec sa contrainte cela donne :

Booz assoupi

Booz s’assoupissait ; son labour l’accablait ;
Il avait dans son champ accompli son travail,
Puis avait fait son lit dans un coin familial ;
Booz dormait non loin du grain qu’on amassait.

Il avait fait son poids d’ans, il avait mil sillons ;
Quoiqu’il fût cousu d’or, il aimait l’impartial ;
Dans son moulin fluvial, il n’avait nul limon,
Il n’avait pas Satan dans son four domanial.

Son poil avait du Blanc ainsi qu’un ru d’avril.
Ni rapiat ni rival sa moisson n’inspirait ;
Quand il voyait pâtir un croquant qui glanait ;
Laissons-lui à propos choir du grain, disait-il.

Toujours il marchait droit loin du layon tournant
Portant sur son dos pur compassion au lin blanc ;
Toujours aux appauvris il ouvrait son blutoir ;
Son grain coulait à flots d’un consolant pouvoir.

Si Booz, bon cousin, si Booz, grand Patron
Faisait provision d’or, il donnait au vassal ;
On admirait Booz plus qu’un frais Apollon
Car Apollon n’a pas l’attrait patriarcal.
Son front tout grisonnant va au flux augural,
S’introduit au Toujours, quittant un jour mouvant.
L’on voit brandons brûlants à l’iris d’un infant :
Un cristallin caduc saisit l’Inaugural.



Donc, Booz dans la nuit dormait parmi son grain
Non loin du haut mulon qui paraissait un mur.
Trois paysans blottis ont l’air d’un corps obscur ;
Or tout ça arrivait dans un antan lointain.

La tribu d’Abraham avait pour roi Dayan.
Son sol, dont un Titan avait vu l’impulsion,
Portait dans son limon, mol humus pourrissant
L’inoubli torturant du Flot inondant Sion.



Ainsi dormait Jacob, ainsi dormait Judith.
Booz, tout à sa nuit, gisait sous un buisson ;
Or un vantail divin ouvrant son portillon
Sur son front rayonnant, la Vision s’inscrivit.

Ainsi fut la Vision : Booz vit un grand tronc
Qui, sorti du nombril, allait jusqu’à l’azur ;
Un sang vrai y montait ainsi qu’un long chaînon ;
Un roi chantait au bas ; là-haut mourait un pur.

Or Booz murmurait tout à son oraison :
« Qui pourrait m’impartir don si mirobolant ?
Voici trois fois vingt ans, j’avais alors vingt ans ;
L’on m’a ravi l’amour avant d’avoir garçon.

Son corps qui, nuit sur nuit, à mon corps fut fondu,
O, Tout-Puissant, a fui mon grabat pour ton lit.
Nous vivons aujourd’hui plus qu’à mi-confondus
Car ma mort au futur suit sa mort du jadis.

Un sang bouillant naîtrait par moi ! Qui l’aurait cru ?
Qui croirait qu’aujourd’hui Booz aurait infants ?
A vingt ans, nous avions nos matins triomphants :
Jour qui quittait la nuit ainsi qu’un invaincu ;

Mais caduc, on a froid, ainsi qu’aux frimas l’if.
J’ai connu l’abandon, sur moi chut l’obscur soir.
J’accroupis, O mon Roi, mon front sur un drap noir
Bouvillon tarissant sa soif au courant vif ».

Ainsi parlait Booz, à l’amour, à la nuit
Offrant au Tout-Puissant son iris assoupi ;
Un tallipot sait-il qu’à son tronc croît un brout ?
Booz ignorait-il qu’à son flanc gisait Ruth ?

Tandis qu’il somnolait, Ruth, qui du Moab vint
Non loin du grand Booz alanguit son dos nu
S’imaginant, souriant, un rayon inconnu
Quand la nuit blanchirait jusqu’au matin soudain.

Or Booz l’ignorait : mais Ruth languissait là,
Pourtant Ruth savait mal qu’Il la voulait pour lui.
Un frais parfum sortait d’un viridifiant buis ;
Un nocturnal Khamsin flottait sur Galgala.

L’obscur planait nuptial, infini, imposant.
N’y palpitait-il pas, incognito, un Pur
Car on voyait vibrant dans la nuit par instant
Simulation d’un vol, un flou frisson d’azur.

L’inspiration du pur Booz qui somnolait
S’unissait au bruit sourd du ru qui murmurait
La nuit s’adoucissait dans un août finissant,
Il y avait un lys au flanc du vallon Blanc.

Ruth souriait ; Booz dormait : l’air paraît gris
Au loin, un sourd troupiau va tintinnabulant.
Un colossal pardon tombait du Paradis ;
L’instant souvi sonnait où un lion va buvant.

Tout somnolait dans Ur, tout dormait dans Ganaith,
Orion papillotait au plus profond du noir ;
L’aigu croissant si clair parmi l’halo du soir
Scintillait au ponant ; lors Ruth s’imaginait

S’alanguissant, ouvrant un cil sous son Sindon,
Qu’un divin paysan du toujours automnal
Avait, partant au loin dans un mol abandon,
Conduit son chariot d’or sur son sillon astral

VICTOR HUGO


Le nom de Victor Hugo ne contient pas de e, donc Perec l'a laissé.

Voici l'original que j'adore juste à cause de la touffe d'asphodéle qu'à fait disparaître la contrainte du lipogramme en e (voir post Rimbaud/Perec). k5
L'asphodèle, au même titre que la salsepareille et la mandragore (avant que je ne lise Harry Potter) font partie des plantes mythiques pour moi.
Des plantes qui attisent mon imagination, des plantes dont je ne sais pas bien si elles existent ou non, et surtout je ne sais pas à quoi elles ressemblent. J'aime bien ce mystère ....

Booz endormi


Booz s'était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.

Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

Booz était bon maître et fidèle parent ;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.

Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Etait mouillée encore et molle du déluge.

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

Et Booz murmurait avec la voix de l'âme :
" Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

" Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
0 Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.

" Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants ?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;

Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau. "

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.

Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
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Alinoé
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MessageSujet: Re: Victor Hugo / Perec   Victor Hugo / Perec EmptyJeu 26 Mai 2005 - 16:57

Voici une controverse charmante autour de la disparue de la disparition qui a un lien avec Booz assoupi.

Il y en a qui utilise leur énergie à des choses qui peuvent sembler futiles, mais c'est rigolo.

tout d'abord un poème signalant l'apparition de la disparue :
El reapparitio
Et ensuite tout s'explique !
Ouf Georges Perec a eu chaud ! lol!
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