C’est un livre qui a obtenu le prix Goncourt et qui a fait couler beaucoup d’encre.
Le narrateur est un ancien officier SS qui vit bourgeoisement dans le nord de la France. Il a survécu à la 2è guerre mondiale et échappé à la prison en changeant d’identité. Dans un long flash back, il raconte sa vie entre 1941 et 1945 : il va se retrouver sur tous les points chauds de cette période, de la Russie à Berlin, en passant par Auschwitz et la Hongrie.
En commençant ce livre, j’ai tout de suite eu l’impression qu’il était dans la continuité du film de Lanzman,
Shoah. Et effectivement, en vérifiant sur le net, il apparaît que Littell a été fortement impressionné par ce film. Mais
Shoah est un documentaire tandis que ce livre est une fiction. C’est ce que l’on a reproché, entre autres, à l’auteur (Lanzman notamment), certains estimant qu’on ne peut écrire de fictions sur ce sujet.
Personnellement je ne suis pas d’accord, j’ai trouvé que le livre permettait de comprendre un peu mieux comment des élites, des êtres cultivés avaient pu s’engouffrer dans une telle atrocité, combien il est dangereux de construire sa pensée avec des syllogismes...
Le livre offre une foule de détails sur ce qui s’est passé à cette époque et Lanzman, lui-même, a reconnu que les informations étaient exactes. Au-delà de la Shoah, c’est aussi un récit qui permet de comprendre les réalités que recouvre la guerre dans toute son horreur, quelle que soit la nationalité de ceux qui se battent.
Il est quasiment impossible de trouver le narrateur sympathique ou fascinant (ce qui pouvait être la cas, du personnage principal de
La mort est mon métier de R. MERLE ou
Le Roi des Aulnes de M. TOURNIER). Par ailleurs le livre étant difficile d’accès (il y a beaucoup de mots en allemand et il est assez long), il n’y a pas de risque qu’il tombe entre les mains d’un enfant. Mais on n’écrit pas de livres si l’on craint d’être mal compris… Il y aura toujours des cinglés pour interpréter les choses de façon perverse. Mais la position de J. Littell n’est en aucun cas ambigue.
Certaines scènes sont dures, très dures mais le film de Lanzman et la lecture de
Si c’est un homme de Primo Levi m’avaient déjà mise à rudes épreuves par la description des horreurs de la période (d’autres livres et beaucoup d’autres documentaires aussi). Je savais dans quoi je m’engageais en commençant ce roman. C’est sûr qu’il ne faut pas y entrer à la légère car sa lecture peut se révéler une véritable épreuve.
Dans un article très intéressant sur Wikipédia, j’ai lu un récapitulatif des critiques qui avaient été formulées contre le livre.
*Certains reprochent à l’auteur son style trop classique. Mais je ne vois pas comment le narrateur, membre du parti nazi, nourri d’idéalisme allemand, aurait pu s’exprimer autrement que de façon classique (les nazis ayant tenté de détruire l’art nouveau qu’il considérait comme un art dégénéré, détruisant parfois des tableaux). D’ailleurs lorsque les convictions du narrateur sont ébranlées en Hongrie, le style change, chancelle, les phrases perdent de leur cohérence… C’est bien que Littell maîtrise parfaitement le style de son livre et n’écrit pas comme au XIXè.
*D’autres ont reproché à l’auteur la trop grande place faite à la vie privée du narrateur et à ses perversions (qui sont, il faut le concéder, énormes voire caricaturales à une échelle individuelle). Selon ses détracteurs cela décrédibiliserait la thèse de Littell (qui n’est pas nouvelle) selon laquelle les Nazis sont des hommes comme tout le monde et que les monstres et les fous ne sont pas les seuls capables d’accomplir les pires atrocités. Même si je n’en suis pas sûres, je pense que les perversions du narrateur et les horreurs qu’il commet dans sa vie privée ne sont pas à prendre au premier degré mais sont une métaphore de ce qui est arrivé à l’Allemagne et aux Allemands à partir des années 30 (ainsi qu’aux gens et aux pays qui les ont suivis). Je serai heureuse de pouvoir discuter de cela avec quelqu’un afin de mieux comprendre cet aspect du livre…
Mon post est un peu confus. Mais le livre est très riche et suscite chez moi beaucoup d’interrogations.
C’est un livre dont on ne sort pas indemne
mais que je recommande vivement…