Le Bébé - Marie Darrieussecq

4e de couverture :

Qu'est ce qu'un bébé ?
Pourquoi si peu de bébés dans la littérature ?
Que faire des discours qui les entourent ?
Pourquoi dit-on "bébé" et pas "le bébé" ?
Qu'est-ce qu'une mère ? Et pourquoi les femmes plutôt que les hommes ?

Biographie de l'auteur (merci wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Darrieussecq)

Marie Darrieussecq est née le 3 janvier 1969. Elle a été élevée dans un petit village du Pays basque.

Après de brillantes études de lettres, Darrieussecq publie son premier roman, Truismes, en septembre 1996. Elle l'a écrit pendant qu'elle finissait son doctorat et qu'elle était chargée de cours à l'université Lille 3. Paul Otchakovsky-Laurens l'a publié ainsi que tous ses autres textes.

Elle a apporté son soutien à Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle de 2007.

Marie Darrieussecq est aussi psychanalyste.

Depuis 2001, elle est marraine du Réseau DES France, une association d'aide et d'information aux victimes du Distilbène et aux parents d'enfants nés prématurés à cause de cette hormone de synthèse.

Depuis janvier 2007, elle est aussi marraine de l'association Bibliothèques sans frontières, une jeune ONG qui vise à faciliter l'accès au savoir dans les pays en développement.

En 1998, l'écrivain Marie NDiaye l'accuse de la « singer ». En 2007, c'est Camille Laurens qui porte l'accusation de « plagiat psychique » contre Marie Darrieussecq.

Marie Darrieussecq a suivi les cours du lycée Cassin à Bayonne où en 1986 elle a reçu son Bac de lettres. Puis de 1988 à 1990, elle continue ses études en hypokhâgne et khâgne B/L au lycée Michel Montaigne de Bordeaux. Elle est entrée à L’École normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris en 1990. Elle reçoit son agrégation de lettres modernes en 1992, au sixième rang. Elle poursuit ses études de lettres à la Nouvelle Sorbonne (Paris III) et Jussieu (Paris VII). En 1997, elle soutient sa thèse « Autofiction et ironie tragique chez Georges Perec, Michel Leiris, Serge Doubrovsky, et Hervé Guibert » sous la direction de Francis Marmande.

En parlant de ses influences scolaires, Marie se contente de déclarer : « Je me méfie des leçons de l’école ou de la vie…C’est surtout la psychanalyse, très différente d’une "leçon" qui m’a rendue à ma propre liberté. »

Bibliographie :

1996 : Truismes, Paris : POL
1997 : "Joyeux Noël, Emmanuel !", dans Dix, recueil de nouvelles collectif, Paris : Grasset / Les Inrockuptibles
1998 : Naissance des fantômes, Paris : POL
1999 : Le Mal de mer, Paris : POL
1999 : Précisions sur les vagues, Paris : POL
2001 : Bref séjour chez les vivants, Paris : POL
2002 : Le Bébé, Paris : POL
2003 : White, Paris : POL
2004 : Claire dans la forêt suivi de Penthésilée, premier combat, Paris : Editions des Femmes
2005 : Le Pays, Paris : POL,
2007 : Tom est mort, Paris : POL
2008 : Tristes Pontiques, traduction d'un texte d'Ovide, Paris : POL
2009 : Le Musée de la mer, Paris : POL
2010 : Rapport de police : Accusations de plagiat et autres modes de surveillance de la fiction, Paris : POL, janvier

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé ce petit livre, qui nous livre en 2 cahiers les impressions et réflexions récoltées par Marie Darrieussecq pendant la 1ère année après la naissance de son petit garçon. De son propre aveu, ce livre est donc le seul de ses ouvrages à inspiration autobiographique.
Au 1er abord, le livre m'a un peu perturbé, voire dérangé. Perturbé parce que je ne retrouvais pas dans ce livre les clichés à propos de la maternité que je m'attendais à y trouver. Pas d'émerveillement à outrance, de guimauve débordante. Au contraire, on assiste à une sorte de prise de distance entre elle et son enfant. On sent l'incrédulité de l'auteure face à cette maternité, le réalisme aussi, quand elle évoque tout ce que le bébé l'empêche de faire désormais. Commencer le livre ainsi m'a un peu dérangé au départ parce que je m'attendais à une sorte de débordement d'amour dès les 1ères pages. J'ai assez rapidement été choqué par certaines phrases, que j'ai trouvé assez douteuses pour une mère de famille :

Citation :

"Je l'embrasse sur la bouche, parfois, comme par erreur. [..] Quand je le lave [...] c'est consciemment que je m'interdis d'embrasser son sexe [...] mon amour maternel est d'abord pédophile, attirance passionnée pour son petit corps" (p.18-19)

Il ne me serait jamais venu à l'esprit de parler de choses aussi connotées que la pédophilie pour parler de mon propre enfant, même si je suppose qu'elle emploie ces termes plutôt dans leur sens étymologique (pédophilie voulant à l'origine dire en grec : éprouver de l'amitié pour les enfants). J'ai trouvé ce désir de choquer sur fond d'honnêteté étymologique un rien déplacé voire malsain.

Ceci étant, plus j'ai avancé dans le livre, plus je me suis faite à la démarche de l'auteure. J'ai finalement apprécié justement le fait de découvrir la maternité sous un autre angle (un angle plus vrai ? en tout cas plus nuancé) que ce à quoi je m'étais attendu. On sent qu'elle a été un rien dépassée par les évènements, et ce n'est qu'au fur et à mesure du livre que l'amour qu'elle voue à son fils arrive à filtrer au fil des pages (le moment du "choc" passé si l'on veut). Elle parle de cet incroyable mystère qu'est un bébé, ces êtres qu'on a du mal à évaluer et qui sont, du moins pendant un temps, un peu comme des extra-terrestres pour les nouveaux parents. Que pense un bébé ? Qu'est ce qu'un bébé ?
Elle se place également dans une optique que je trouve intéressante puisqu'il est également question des conséquences de la maternité pour une femme. Le quotidien qui change certes, mais aussi le regard que la société porte sur ces femmes. D'où jaillit la question crutiale qui est de savoir : une femme peut-elle conjuguer maternité et travail ? Une mère qui travaille est-elle une mauvaise mère ? Et puis d'ailleurs : qu'est-ce qu'être parents ?

Au final c'est un livre léger, assez rapide à lire (188 pages) et qui selon moi est intéressant et novateur quant à l'angle adopté par Marie Darrieussecq pour évoquer ce problème (même si je dois avouer que j'ai lu très peu de livre sur ce sujet). Il m'a réconcilié (définitivement ?) avec Marie Darrieussecq après Truismes que j'avais trouvé mauvais. Un livre qui intéressera les mamans, mais pas seulement !

Un passage que j'ai trouvé marrant pour vous donner un avant-goût (comme quoi ce livre contient du comique aussi) :

Citation :

"La crèche, la jungle. 12 bébés carambolés dans un désastre de cubes et d'ours. Le + grand, assis sur ses 8 mois, domine d'un air anxieux en pompant sa chuquette. Un petit est sur le ventre et braille; un autre le considère, pensif, puis le frappe avec méthode à l'aide d'un hochet. Une puéricultrice intervient : l'agressé, dans les bras, triomphe, l'agresseur hurle de dépit. [...] Un autre est au désespoir, on ne sait pourquoi au juste. Son voisin en vomit de rire.
Le bébé, dans mes bras (c'est la "semaine d'adaptation"), observe avec détachement, m'interrogeant fréquemment du regard pour vérifier que nous sommes bien d'accord. Les pauvres, pense le bébé. Ils n'ont pas de maman.
[...]
Le lendemain, quand nous revenons, il me regarde avec inquiétude : c'est donc sérieux ?
De grosses larmes sur ses joues, il m'implore. Je suis un monstre.
Heureusement, demain, c'est son père qui l'accompagne".

Il a par ailleurs été adapté au théâtre (avec Lio dans le rôle de la mère monologante. Mon opinion est très partagée quant au choix de l'actrice mais bon). La fin de la vidéo est marrante par contre, ici quelques extraits :

https://www.youtube.com/watch?v=dcRxuTp5FHQ