Goncourt 2005- Saint Sépulcre!

Saint Sépulcre!
Patrick Besson



Le livre Saint Sépulcre ! De Patrick Besson est tout à fait surprenant. Il narre l’histoire d’un vieux jongleur de plus de trente ans et de son ami écolier adolescent qui vont tous deux tomber amoureux de la même putain lors d’un passage à la rue Bordelles. C’est une petite Palestinienne muette, amenée là par un templier aveugle.

On suit joyeusement les mésaventures de Richart, écolier bourgeois amoureux de l’une des nombreuses putains qu’il a connu, et de Bénodet, vieux poète jongleur qui, dans son amour pour celle qu’il appelle « Grâceoubeauté », se contentera toujours de lui tenir la conversation après avoir payé. Mais d’autres aventures sont aussi présentes : le récit de Luc d’Avèze, personnage fictif dont Bénodet écrit l’histoire, et des pensées du Roi de France, Louis IX, rapportées à la première personne.

On entre avec plaisir dans ce livre qui emploie des procédés de narration inhabituels. Les apartés de l’auteur se fondent dans le texte, jalonné par ailleurs de nombreuses touches d’humour et petites phrases humoristiques ou philosophiques. Cet ouvrage se parcourt avec un gourmandise certaine, et l’on en tourne les pages comme l’on suce une confiserie. Car même dans les moments les plus cruels, l’auteur ajoute une note d’humour qui fend le visage du lecteur d’un sourire ravi.
Autre originalité de la méthode d’écriture de l’auteur : le discours au style direct est très peu présent. La quasi-totalité des dialogues ou pensées des personnages est rapportée au style indirect, fondu dans le texte, qui devient un subtil assemblage de narration, rapports des pensées, rapport des dialogues, et notes de l’auteur. Ajoutez à cela que l’histoire de la prise de Jérusalem, sujet de l’œuvre que Bénodet est en train d’écrire, est aussi insérée dans le texte sans autre indice qu’un changement de paragraphe. C’est au lecteur de deviner à quoi correspond chaque paragraphe, chaque phrase. Un peu à la manière d’un jeu.
On ne regrettera que le style parfois un peu moderne des répliques des personnages, mais celles-ci sont souvent humoristiques par la même occasion.
Un très beau livre qui se lit , qui se joue, un vrai plaisir. Et comme le dit Bénodet : « Si je n’écris pas ce que je pense, personne ne l’écrira, puisque je suis le seul à le penser, étant le seul à être moi. »